Joueur pro, organisateur d’événement, commentateur tv,…, Bernard Pascassio se remémore pour fairways les moments les plus marquants de son histoire passionnante. Rencontre avec un homme aux mille vies. – Un extrait du n°80 spécial anniversaire 18 ans de fairways –
Premier souvenir de golf ?
Je suis né à Ciboure au Pays-Basque, juste derrière le Golf de La Nivelle. Mon premier souvenir de golf est en tant que cadet. Pour l’anecdote, je n’ai pas justement débuté au Golf de La Nivelle. Mon oncle y était caddie master et ma sœur y était elle-même cadet (et jouait par ailleurs très bien au golf). Mais mon oncle est décédé et son successeur ne l’appréciait pas à tel point de tenir des propos indélicats sur son compte auprès de ma sœur. C’est pourquoi lorsque j’ai eu 11 ans et envie de caddeyer à mon tour, mes parents m’ont payé un vélo pour que je puisse aller à Chantaco. Une formidable opportunité pour moi. J’ai commencé à faire le cadet à Chantaco et pouvais même ramener un peu d’argent à mes parents pour arrondir les fins de mois. Tous les ans en août, il y avait une compétition de cadets et j’ai gagné la compétition sur 9 trous dès la première année. N’oubliez pas que les cadets n’avaient jamais le droit de jouer même si nous avions l’autorisation de nous entrainer sur le parcours en fin de journée la semaine précedente. Inutile de préciser que nous jouions encore crépuscule venu. L’année suivante, j’ai encore gagné, mais sur 18 trous et en jouant 77.
Est-ce dès ce moment-là que vous avez compris que le golf serait votre métier ?
J’avais en effet quelques aptitudes pour jouer au golf. Cela me plaisait bien et comme je dois admettre que je n’étais pas très doué pour l’école… En plus mes parents me disaient toujours qu’il n’y aurait pas de travail, donc pas d’avenir à la ferme familiale. Ils souhaitaient donc que j’exerce un « vrai » métier et m’ont poussé à obtenir un CAP en menuiserie. A 16 ans, je suis donc parti au lycée à Anglet, tout en continuant de caddeyer durant les vacances. Je jouais davantage, je prenais des cours avec le père de Jean Garaialde… Je faisais le cadet pour la famille Lacoste ou pour Philippe Chatrier qui n’était pas encore président de la FFGolf. Il avait racheté l’International Club du Lys près de Chantilly pour en faire un club omnisport. Il m’a proposé d’y venir, pour donner un coup de main, m’occuper des jeunes et du practice. Alors au mois de septembre 1965, je suis monté à Paris. C’était une chance : j’étais payé 300 francs par moins, nourri, logé, blanchi… Selon le souhait de mes parents, un peu inquiets, j’ai été hébergé chez monsieur Brison, le directeur du golf. J’ai été formidablement accueilli par ces personnes et je les considère aujourd’hui comme une seconde famille pour moi.
Comment avez-vous débuté votre carrière d’enseignant ?
C’était plutôt très difficile de devenir professeur de golf sans faire partie du sérail. Fort heureusement, en 1969, Pierre-Etienne Guyot a créé un diplôme d’état, et j’ai été parmi les premiers à passer cet examen. C’est grâce à cela que j’ai pu enseigner. Il fallait jouer 3 de handicap en moyenne sur six tournois pour être apte. C’était un peu plus difficile qu’aujourd’hui.
Et vous rencontrez vos premiers succès en tournoi ..
A cette époque je faisais mon service militaire à Paris et donnais des cours le weekend. J’ai gagné un peu d’argent et avec ce pécule, j’ai pu participer à quelques tournois. Je jouais pas si mal et j’ai terminé l’Année 1970 n°2 Français. Attention, il faut savoir qu’il n’y avait pas beaucoup de tournois à l’époque, peut-être 4 ou 5. Mais grâce à mes performances, j’ai fini par être sélectionné pour jouer la Coupe du Monde à Buenos Aires. Le premier jour, Jean Garailade viens me voir et me dit « Tu sais contre qui on joue demain ? ». C’était contre Lee Trevino et Dave Stockton. Pas mal pour débuter ! Nous avons gagné notre match. Les trois premiers jours j’ai joué sous le par. Nous aurions pu finir dans les trois premiers car Jean jouait très bien. Hélas, le dernier jour j’ai explosé. Je me souviens avoir pleuré comme une madeleine ensuite. A partir de ce moment-là j’ai été reconnu en tant que joueur, on commençait à connaître mon nom et j’ai même eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont aidé financièrement pour continuer à jouer des tournois.
Finalement vous vous orientez vers le business du golf ?
Oui, je ne pensais pas être un joueur exceptionnel capable de durer. En 1981, par sécurité pour l’avenir, j’ai créé ma société Kalika. Je suis aussi à l’origine de l’Association des Directeurs des Golfs de France. C’était un point très important à mes yeux de créer une telle structure car pour moi, les directeurs sont un peu les clefs d’or comme dans un grand hôtel. J’ai gagné 17 tournois en France mais je me suis rapidement tourné vers le business. Il faut dire que selon moi je n’étais pas assez armé. J’avais une technique propre, pas forcément très académique. J’avais surtout du cœur. J’aimais la compétition et c’est cela qui m’a permis de gagner de temps en temps. De 1976 à 1984, j’étais touring pro à Evian où j’enseignais l’été. J’étais n°1 Français en 1984 et j’ai dû gagner 20 00 euros dans l’année. Organiser des compétitions était un choix judicieux. Et parmi ceux-ci, l’Open de France qui est alors devenu le Novotel Perrier Open de France
Vous avez également endossé le costume de commentateur pour Canal+ ?
J’ai rencontré Charles Biétry qui d’ailleurs détestait le golf à l’époque. Un jour il me dit « Bernard viens, on va faire du golf sur Canal+, et j’ai besoin de toi pour commenter ». Il est devenu complétement fan de golf par la suite. Je suis resté de 1985 à 2007 sur Canal +. Une formidable aventure qui m’a permis de faire mes plus beaux voyages, de visiter les plus beaux golfs… Grâce à cela je pense avoir visité 48 des 50 plus beaux parcours du monde. Je dois quand même dire que ma vie a été faite de rencontres. Grâce au golf j’ai côtoyé de grands dirigeants, de grands sportifs, des gens passionnants venant de tous les milieux. Ce fut très enrichissant. J’ai même prolongé mon expérience devant les caméras en étant acteur dans « Salut champion : Jeannot l’Américain » où je jouais aux cotés de la comédienne Cyrielle Claire.
Puis vous avez rencontré Bill Coore, l’architecte du Golf du Médoc.
Je l’ai rencontré lors d’un stage en Floride. Il m’a dit «si tu as le projet d’un golf en France, je te le fais ». Quelques années plus tard, j’ai trouvé des investisseurs et un terrain près de Bordeaux. J’ai fait l’aller-retour Paris-Houston dans la journée pour aller boire une bière avec Bill Coore et lui rappeler sa promesse. Il est venu voir le site et a accepté. Nous avons sympathisé et c’est devenu un véritable ami. Ce que j’apprécie particulièrement c’est qu’il est d’une honnêteté intellectuelle incroyable. Il est aujourd’hui parmi les 5 meilleurs architectes du monde. C’est un homme qui n’a pas réalisé beaucoup de parcours mais ce sont à chaque fois de véritables bijoux. Il n’est pas intéressé par l‘argent mais avant tout par les défis de chaque projet.
Quel est le joueur qui vous a le plus marqué ?
Je vais être chauvin en disant Severiano Ballesteros (NDLR : on ne refait pas les basques). Mais aussi Tiger Woods. C’est un immense athlète mais aussi un phénomène social, et cela prend donc encore une autre dimension. Il y a une chose qui ne trompe pas : quand vous êtes au practice et que vous voyez les pros s’arrêter de taper pour regarder leur homologue Tiger Woods, c’est qu’il se passe quelque chose. Tous les deux sont des artistes. Les deux plus grands à mes yeux.
Une phrase qui vous a marqué ?
Ballesteros m’a dit un jour : « Tu sais Bernard, tu peux aller au bout du monde si tu as les 3C ». Je lui répondis : « D’accord Seve mais qu’est-ce que les trois C ? » Seve : « Cabeza, corazon y corones » (La tête, le cœur, et les corones) !
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris concernant l’évolution du golf ?
Je pense que toutes les nouveautés n’ont finalement pas amené grand-chose. Je pense à la conception de parcours qui a modifié le jeu de golf. Aujourd’hui, la plupart des architectes sont des paysagistes et non des golfeurs. Pour moi, un bon parcours, c’est celui qui est accessible pour les amateurs et difficile pour les pros. Je suis catastrophé de voir qu’aujourd’hui, sur un tournoi sur trois, même aux Etats-Unis, les joueurs placent la balle. Ce n’est pas du jeu de golf ! Et puis la tendance est trop au « target golf ». Les terrains sont trop aseptisés, trop verts, cela manque de naturel.
Cette tendance peut-elle s’inverser ?
Non, certainement pas. Et je pense que nous allons peut-être justement avoir le revers de la médaille dans les années qui viennent. Quand tu as un green en île, si celui ne pitche pas c’est injouable. Il faut donc que ces parcours là soient toujours dans des conditions parfaites s’ils ne » sont pas jouables cela n’a aucun intérêt. Le golf ce n’est pas cela, il doit pouvoir être joué dans toutes les conditions, même les plus mauvaises. J’espère que dans le futur nous ne paierons pas le prix de ces mauvaises conceptions. S’il vient à manquer d’eau un jour, les vieux parcours comme Chantilly, Morfontaine, Saint-Germain… vont s’en sortir. Ceux qui ont des profils plus modernes que j’évoquais et exigent beaucoup de soin, iront au-devant de graves problèmes.
Vous n’évoquez pas le matériel parmi les évolutions significatives de la discipline ?
Bien entendu, l’évolution des clubs et des balles demeure un point de réflexion important. Mais en ce qui me concerne ce qui me fait le plus peur est lié à l’architecture. Un trou comme le 17 au TPC Sawgrass (Floride, U.S.A) n’a pour moi aucun intérêt. Ce n’est pas ma tasse de thé. Je vais aller plus loin : vous savez ce que j’aimerais ? Qu’un jour il y ait tellement de vent à Sawgrass qu’aucune balle ne puisse s’arrêter sur le green. Ce que j’aime à Augusta, c’est qu’il s’agit d’un parcours moderne mais avec un esprit ancien. Il faut toujours placer sa balle en pensant au coup suivant. Ce qui m’amène à penser qu’en termes d’architecture de parcours nous n’avons pas progressé mais plutôt régressé.
Vous avez récemment créé un nouveau département dans votre société Kalika. Pouvez-vous en dire quelques mots ?
J’ai souvent été sollicité pour créer des golfs. Or je ne me sens pas capable de faire un golf qui puisse atteindre le niveau que j’espère. Il me semblait donc important de m’entourer de personnes compétentes pour cela comme Denis Fabre, Vincent Paris, Antoine Ferran. Ce sont tout d’abord des gens avec qui j’ai sympathisé, qui ont été performants chacun à leur poste de directeur de « grand » club, et qui ont la même vision du golf que moi. Ils possèdent les compétences en juridique, en gestion, en sportif… Ils connaissent toutes les facettes du métier parfaitement et sont donc aptes à faire de l’audit ou du conseil auprès des golfs qui le souhaitent.
février 2022.