Qui aime le golf et le cinéma risque de ne pas toujours pouvoir marier ses deux passions. Il y a peu de film traitant du monde des greens Mais Les relations entre ces deux univers sont marquées de nombreux de stéréotypes qui en apprennent beaucoup sur une perception encore dominante.
Malgré son indéniable force plastique qui fait du golf un art de vivre autant qu’un sport, malgré le caractère très typé des clubs-house, malgré la perfection hors du temps des greens, le golf n’a pas vraiment fasciné les cinéastes. Il n’y a guère qu’une vingtaine de films qui s’y intéressent vraiment ou qui utilisent ses qualités visuelles. L’amateur qui veut retrouver de belles images n’a d’autres solutions que de se tourner vers les compilations, les retransmissions télévisées ou vers des leçons enregistrées sur cassettes vidéo ou DVD car pour le reste, le grand écran se montre extrêmement avare. Pourtant dans cet échantillon, même restreint, on retrouve les catégories habituelles du film de sport, à savoir deux grandes familles : les épopées héroïques et les parodies complices. Dans le premier cas, un grand héros retrouve son titre ou en conquiert un nouveau après avoir triomphé de l’adversité et s’être prouvé à lui-même être capable de trouver des ressources qu’il ne soupçonnait pas. En matière golfique, cela donne deux monuments de bonnes intentions servis par de grosses pointures hollywoodiennes : Kevin Costner interprétant le rôle de McAvoy dans le film Tin Cup (1996) et Matt Damon dans celui de Ranulph Januh dans la Légende de Bagger Vance que signe Robert Redford en 2000. Encore plus typique, parce que posant radicalement le joueur comme un mythe, Glenn Ford avait interprété le rôle du légendaire Ben Hogan dans un film tout à la gloire du mythe dans Follow the Sun. C’est aussi la trame de Dead Solid Perfect de Bobby Roth que certains posent comme le meilleur film de golf jamais tourné. Cette apologie du golfeur comme héros (quoique dans le cas de la Légende de Bagger Vance le propos soit à nuancer) peut déboucher directement sur la catégorie parodique. C’est le cas de l’hilarant Happy Gilmore, sans doute l’un des plus drôles pour qui pratique le golf sans se prendre trop au sérieux. Un joueur de Hockey s’y convertit au golf afin de gagner l’argent qui lui permettra de racheter la maison de sa grand-mère. Le décalage entre les postures du hockey et l’univers du golf est assez irrésistible et beaucoup plus recommandable, dans le domaine parodique, que les cassettes de Leslie Nielsen (Bad Golf made Easier et Bad Golf My Way) qui sont d’un genre potache codé appréciable seulement par un obsédé du tie ignorant tout du cinéma.
Le meilleur de l’univers parodique est atteint avec l’inénarrable The Caddy (1953), réalisé par Norman Taurog lequel devrait recevoir tous les hommages cinématographiques pour être parvenu à maintenir un semblant de cohérence dans les agissements désordonnés d’un Dean Martins très convaincant en joueur concentré face à un Jerry Lewis parfaitement délirant en caddy plein de bonnes intentions… Ce joyeux moment d’hystérie est symptomatique de toute la filmographie golfique. C’est en effet plus souvent le caddy que le golfeur qui est mis en avant. Le fait est avéré pour le domaine parodique mais aussi confirmé par les versions en dessins animés comme Canine Caddy (1941) où Mickey est en butte aux agissements d’un Pluto plus porté sur la chasse à la petite baballe qu’à se comporter en caddy qu’il était pourtant sensé être. La trame est assez proche dans Cad and Caddy (1947), dessin animé réalisé par Izzy Sparber. La même année, toujours dans le domaine des dessins animés, Kitty caddy, réalisé par Sid Marcus, use de la même opposition en la soulignant par le fait que certain sont des chiens et d’autres des chats. L’opposition entre le caddy et le joueur transcende la différence sociale dont l’impact est très présent dans la cinématographie du golf. On retrouve la singularité de la légende de Bagger Vance : le héros véritable y est le caddy, Bagger Vance, lequel va redonner courage au champion reclus et brisé par la première guerre mondiale. Le mélange de bons sentiments et de symbolique d’ouvroir pour dames n’en est que plus pénible car il renforce les clichés les plus faciles sur la pratique du golf.
Car ce qui handicape le plus le cinéma dans son approche des greens est sans doute de les avoir toujours traités avec un schématisme sans nuance. Le golf y marque toujours une place sociale. C’est ainsi que Tin Cup se présente sans grande nuance comme le combat d’un petit pour se faire une place chez les grands et conquérir la femme qu’il aime. Cette approche sociale assez ressassée peut déboucher sur une critique qui apparaît souvent dans les scènes de golf insérées au sein des longs-métrages. Alors que l’on pouvait s’attendre à une collection de clichés très lourds, cette critique est souvent plus fine et parfois se développe même de façon assez comique. Si American College (1978) de John Landis n’est pas d’une extrême subtilité, c’est néanmoins un film drôle et la scène de golf y est délicieuse. Encore plus poussé, lorsque les toubibs de MASH (1970), réalisé par Robert Altman, s’offrent une partie de golf, ils se défoulent tout en soulignant le ridicule de la guerre et de leur situation. Dimension dramatique et souffle épique en moins, cette partie est aussi décalée que le surfeur dans Apocalypse Now… Quand le golf est utilisé comme indicateur social de façon sérieuse, cela peut donner L’affaire Thomas Crown (1968). Steve McQueen y montre toute sa séduction et sa maîtrise et Faye Dunaway sait qu’elle se trouve dans un monde de « gens du monde ». On mesurera le manque de nuance du propos, mais cette réserve faite, la scène (« que faire d’autre un dimanche » questionne Stece McQueen en perdant 1000 dollars de l’époque sur une sortie de bunker), toute stéréotypée qu’elle soit, reste excellente et est à l’image d’un film attirant – avec une musique de Legrand qui a fait le tour du monde – et irritant à force d’affectation. On n’oubliera pas le remake de ce film, plus sobrement titré « Thomas Crown » de 1999 avec Pierce Brosnan, où le héros réalise la même sortie de bunker que son illustre prédécesseur. (Mais les temps ont changé et le héros perd cette fois 100 000 dollars au mépris de toute crédibilité). En revanche la critique peut prendre un tour plus cru et étrange. Lorsque Michael Douglas fond les fusibles sous l’objectif de Jœl Schumacher pour En Chute Libre (1992), sa traversé d’un golf prend des allures de pamphlet social radical. Le regard qu’il porte alors sur ce qu’il présente comme un monde factice est l’un des signes de la rupture du personnage avec son univers social. Le golf est, certes, encore traité comme une caricature, mais la force du propos est assez troublante et justifie cette traversé par les greens. Cette sévère charge marque aussi la très forte persistance des clichés concernant le golf. Les nouvelles catégories de joueurs n’y sont pas présentes, les femmes sont juste bonnes à regarder et les pratiquants forcément refermés sur leurs privilèges (blancs et riches. Décidemment, il va falloir inviter les cinéastes sur les parcours pour qu’ils changent de point de vue). Un préjugé reprit à bon compte par le cinéma français comme dans “Albert est méchant”, qui a été tourné au golf des Yvelines et à Saint Nom le Breteche en 2003 (Michel Serrault, Christian Clavier) stigmatise lui aussi l’aspect social « haut de gamme » du golf face aux petites gens. Même idée dans « Ma vie est un enfer » (où le medecin antipathique et pédant est bien sûr golfeur) où encore dans « la vérité si je mens 2 » où il est la nécessaire occupation de parvenus plutôt mal éduqués (mais qui réussissent tout de même un trou en un).
Citons aussi les simples scènes golfiques qui, au détour d’intrigues qui n’ont rien à voir avec la petite balle blanche, surgissent sur le grand écran : Suicide Kings (1997) où Christopher Walken bat un malfrat à mort avec un fer 9 (le club de golf a d’ailleurs souvent le rôle d’arme de poing très efficace comme dans Scream 3). Mentionnons également Drugstore Cowboy (1989) où le héros, Bob, supplie la police qui perquisitionne chez lui de ne pas casser ses clubs de golf parce que « ce sont des Ben Hogan ». On aura une pensée émue pour Dirty dancing (1987) avec Patrick Swayze : on y trouve une réplique qui a particulièrement plu à la redaction : « si ta mère me quitte un jour, ce ne pourra être que pour Arnold Palmer ». Les puristes nous feraient des remontrances si nous ne citions pas Goldfinger (1964): on y trouve la légendaire partie entre James Bond et Auric Goldfinger (Gert Froebe)où Sean Connery effectue un savoureux tour de « passe-passe » avec la balle. Plus récents, Black Rain met en scène des yakusas face à Michael Douglas dans un practice à étages à Osaka. Dans les sorties annoncées ou en cours de production, on notera Kid 58, un dérivé de Tin Cup, Chasing Bobby Jones, avec Chris O’Donnell, un grand fan de golf dans la vie et Golf in the Kingdom (réalisé par Clint Eastwood), qui relatera une partie homérique sur l’Old Course de Saint Andrews de 1972. Enfin (il y a en d’autres) citons La famille Adams (où le père fait du practice sur sa terrasse et brise immanquablement les vitres de son voisin) et Le 51ème Etat ou le héros Samuel jackson (excellent golfeur dans la vie de tous les jours) se ballade en kilt écossais avec un club à la main. Les esthètes se souviennent avec délice de Cameron Diaz dans Mary à tout prix au practice en en mini jupe vraiment mini et les fansd’humour lourdingue de « Deux en un » où deux frères siamois participent à une compétition : l’un comme joueur, l’autre comme Caddy… Encore plus trash, Jackass, le film, montre un énergumène qui vient souffler de la corne de brume dans les oreilles de joueurs en plein practice. Ceux-ci se vengent immédiatement en envoyant en direction du malotrou qualques drives bien appuyés. Plus subtil dans BAT 21, Gene Hackman interprête un soldat qui, sachant que sa radio est surveillée par l’ennemi, indique sa position en se référant au parcours de l’Air Force. Et bien sûr, le récent Aviator de Martin Scorcese qui nous dévoile la passion d’Howard Hugues pour la petite balle blanche. Pour se quitter, sachez que le top du box office golfique reste Caddyshack, exploité depuis 1980 avec 85 millions de dollars de recettes. Et qui a même eu droit à un remake en 1988, hélas non édité en France. Allez, si jamais il pleut demain, vous pourrez toujours aller vous faire une toile.