Alain Pelillo Legends Open de France
Alain Pelillo au golf de Saint-Cloud.

Entretien avec Alain Pelillo, créateur de la société VDV Partners organisatrice du tout nouveau Legends Open de France qui se déroule en septembre au Golf de Saint-Cloud.

Comment a débuté votre aventure professionnelle dans le golf ?

Mon aventure dans le golf a débuté lorsque j’ai travaillé avec Philippe Martin, président de la ffgolf dans les années 90. La Fédération avait lancé un appel d’offres pour recourir aux services d’un conseil en matière de communication et de marketing. Après avoir remporté cet appel d’offre, j’ai été son conseil pendant les 8 années de son mandat. Je venais alors de l’univers de la communication en ayant été pendant de nombreuses années directeur général d’une grande agence de publicité qui s’appelle TBWA. A la fin des années 90, j’ai lancé ma propre structure et me suis spécialisé dans le marketing sportif.

L’idée était de rendre le golf plus populaire et pour cela il fallait s’attaquer à une cible un peu plus jeune. Avec la ffgolf, nous avons créé le Golf Tour, des ateliers de golf organisés dans les centres ville pour faire découvrir cette discipline pas assez connue par le grand public. Avec Philippe Martin s’était établi un climat de confiance et il m’a confié d’autres missions. C’est ainsi que je suis devenu – avec Gervais Martel – promoteur de l’Open Féminin dans le Nord pendant 10 ans, de 2000 à 2010. Durant cette décennie, nous avions comme sponsor titre Vediorbis – devenu maintenant Randstad – puis la ffgolf a souhaité ramener l’Open de France à Paris et notre contrat n’a donc pas été renouvelé.

Est-ce indispensable de connaître un produit pour le vendre ?

C’est une grande question. Faut-il être un professionnel du secteur ? Certainement pas. Faut-il en avoir une grande compréhension ? Très certainement. Il y a tellement de paramètres qui entrent en compte que la simple connaissance du sport est loin d’être suffisante. Sinon, tous les bons joueurs deviendraient de bons communicants ou de bons conseils, or ce n’est pas le cas. Les collaborateurs que j’ai choisis pour ma structure, qui s’occupent de golf mais aussi d’autres produits, sont des spécialistes du marketing et non du sport. Ce sont avant tout les règles de marketing qui comptent et ensuite, elles sont appliquées à un univers. Qu’il faut en effet connaître si l’on veut être efficace…

Votre « mandat » auprès de la ffgolf était-il votre première action dans le sport ?

Non, j’ai commencé à travailler dans le sport avec les Jeux Olympiques d’Albertville de 1992. C’était à partir de 1983, où j’ai coordonné le dossier de candidature – marketing et communication.  En 1985, la candidature a été présentée au CIO à Lausanne et Albertville a décroché l’organisation de l’événement (les J.O sont toujours donnés à une ville sept ans avant leur tenue). J’ai continué mon « expérience olympique » pour Paris 2012 puis pour Paris 2024 et, aujourd’hui, je travaille encore comme conseil pour des sociétés sponsors des Jeux comme Randstad, Sodexo, Allianz…

Dans le golf, je me suis aussi occupé des affaires et de la carrière de Jean Van de Velde jusqu’à ce qu’il arrête la compétition. Et il y a 5 ans, nous avons créé ensemble VDV Partners. Au départ, cette entité a été créée pour produire les émissions sur le golf et le tourisme pour le compte des chaînes Voyages et Golf Travel aux U.S.A. Nous avons réalisé des émissions de découverte et avons sillonné le monde avec Jean. Le but était d’utiliser son image pour des émissions où Jean présentait les lieux qui l’avaient marqué durant sa carrière, que ce soient des parcours, des sites, des restaurants, des hôtels ou des gens rencontrés sur place….

 

 

Vous avez également créé le Bureau du Golf ?

Le Bureau du Golf est une structure que j’ai créé avec Patrick Caillaud. L’idée était d’organiser des circuits de golf mais en B to B. Comme par exemple, le Masters des Professions de Santé. C’est un circuit d’une douzaine d’épreuves avec une finale qui regroupe chaque année près de 1 000 médecins, pharmaciens, dentistes, kinés… Nous avons également racheté la société Tee of Event en 2015 qui organisait des opérations vers le grand public comme le Trophée des Femmes, le Trophée du Luxe, le Trophée des Ambassades.

Le paysage golfique français a-t-il évolué depuis vos débuts dans la discipline ? 

Ce qui a considérablement modifié la situation hexagonale, c’est l’émergence des chaînes commerciales et la concurrence qui en a découlée. Selon moi, l’effet négatif a été  des prix tirés vers le bas pour des raisons de concurrence féroce. Nous sommes un des pays d’Europe où les tarifs sont les plus bas pour jouer au green fee. Cela n’a pas que des inconvénients, c’est certainement un avantage pour les joueurs d’avoir un green fee moyen en France aux alentours de 30 à 50 euros alors que quand vous allez jouer en Angleterre, en Espagne, au Portugal, même au Maroc, ce sont des prix bien plus élevés. Ce système a surement dévalorisé le golf français par rapport aux sponsors et aux partenaires. En revanche, cela a certes permis à de nombreuses personnes de débuter le golf : en effet, aujourd’hui dans un club en province vous allez payer 1000 euros de cotisation annuelle, ce qui fait 80 euros par mois. Si vous les divisez par le nombre de fois où les gens jouent, cela revient moins cher qu’une place de cinéma… Le golf est donc devenu très abordable, et c’est tant mieux, mais cela a été au détriment des investissements économiques : il suffit de regarder dans quel état se trouvent les événements de golf professionnel français pour le constater. L’Open de France Féminin ne tient que parce que Lacoste a encore quelques velléités mais si vous regardez le prize money il est seulement de la moitié de ce que nous offrions aux joueuses à l’époque à Arras dans les années 2010. L’Open de France masculin a d’immenses difficultés pour trouver un sponsor qui puisse prendre le relais, il n’en a toujours pas à ce jour. Nous reprenons le Legends qui est en fait l’Open de France Senior qui n’a pas été joué depuis 2007 en France. Globalement, malgré la Ryder Cup, nous ne sortons pas gagnants de ces dix dernières années.

Comment expliquer qu’un événement comme l’Open de France ne parvienne pas à trouver un sponsor titre ?

Il y a plusieurs raisons. Aujourd’hui, à la télévision, le golf n’est pas un spectacle sportif. J’en veux pour preuve les audiences de Canal+ avec Golf+ en dehors des immenses événements comme la Ryder Cup. Les audiences sont relativement confidentielles : les gens considèrent que le golf est un loisir ou un sport que l’on pratique mais pas que l’on regarde à la télévision.  Et tant qu’il n’y aura pas une plus forte audience, les annonceurs ne seront pas intéressés. Pourquoi mettre 2, 3, 4 millions d’euros dans du golf en France alors que pour ce prix là je peux être sur un maillot de football et avoir toutes les semaines 1 million de personnes ou plus qui voient ma marque ? C’est un problème purement d’analyse économique sur les potentielles retombées économiques d’un événement. Cela veut dire que le sponsor qui va venir sur un Open de France va le faire pour d’autres raisons. Pourquoi Alstom est venu dans le golf ? Certainement pas pour l’effet médiatique, Alstom n’est pas une marque qui cherche à communiquer auprès du grand public. Ils avaient besoin de « faire » de l’image auprès de leurs grands clients mondiaux. Patrick Kron, PDG d’Alstom à l’époque, est aussi venu au golf parce qu’il connaissait la discipline et qu’il avait de très nombreux clients dans le monde qui étaient des golfeurs. En France, il faut que le patron aime et connaisse le golf pour que la société investisse dans le secteur, sinon c’est très compliqué. Ensuite, Alstom a utilisé l’événement pour faire des relations publiques et commerciales en invitant des centaines de clients venants du monde entier. Aujourd’hui, d’importants industriels français qui s’intéressent au golf et qui auraient cette stratégie-là, je n’en connais pas beaucoup. Regardez sur les grandes compétitions internationales, pas simplement le golf, mais par exemple les Jeux Olympiques, vous n’apercevrez aucune marque française sponsor du Comité International Olympique (CIO).

Cette difficulté n’a pas toujours existé. Est-ce une question d’époque ?

L’époque était différente. Si vous regardez l’histoire de l’Open de France, vous avez eu un sponsor historique qui était Peugeot et qui a démarré à un moment où les dotations pour les joueurs n’avaient rien à voir avec ce qu’elles sont aujourd’hui. Peugeot s’est retiré dès l’instant où les dotations sont devenues trop importantes. Ensuite, Bernard Pascassio qui avait créé le Novotel Perrier, tournoi qui se jouait en double sur le Golf de Saint-Cloud, l’a transformé en Open de France. Novotel et Perrier se sont retirés. C’est à ce moment qu’est arrivé Alstom qui a imaginé cette stratégie B to B. Ensuite est arrivé le Groupe HNA – qui, je crois savoir, n’a jamais payé un centime d’ailleurs, ce sont les Anglais du Tour Européen qui ont compensé les pertes – qui a rapidement disparu des radars. J’ajouterais que même les Anglais, qui ont aujourd’hui la charge de l’Open de France et de la marque Open de France, n’ont pas réussi à trouver ce fameux sponsor. Il est vrai que c’est extrêmement difficile de trouver un partenaire qui va donner une dotation qui vous permet d’avoir un beau plateau, prenons un Rolex Series, ce qui au total fait 10M d’euros. Quelqu’un capable de mettre autant d’argent sur le golf aujourd’hui en France, cela n’existe pas. Mais c’est aussi le cas dans la plupart des pays d’Europe. En Espagne, au Portugal, en Italie… les difficultés sont les mêmes. De nos jours, il reste les Etats-Unis et le monde anglo-saxon, car en Angleterre vous avez deux millions de joueurs, vous avez Sky Sports, une audience qui permet d’avoir une couverture média intéressante qui n’existe – hélas – pas en Europe continentale.

Quels éléments pourraient changer la donne ?

Il faudrait qu’il y ait une véritable culture golf en France. La ffgolf a essayé avec le Ryder Cup et nous constatons que l’événement a créé un véritable engouement, a créé des gens qui se sont mis à regarder un peu le golf à la télévision, mais malheureusement l’effet a été éphémère – comme tous les quatre ans certains regardent les J.O. D’ailleurs, cela est très comparable : dans un certain nombre de sports olympiques comme l’escrime, le judo, la lutte… lorsque vous avez un Français en finale, vous faites 3 ou 4 millions de téléspectateurs. La semaine d’après vous pouvez avoir les Championnats du Monde du même sport, ils ne seront peut-être même pas télévisés, car il n’y a pas d’audience. Clairement, tant que le golf ne sera pas considéré par une partie du public français comme un spectacle sportif à regarder, je ne vois pas pourquoi il y aurait des annonceurs qui viendraient. En France, un joueur amateur de golf préfère aller jouer avec ses amis plutôt que de regarder des champions. Et éventuellement le soir s’il a une heure à perdre, il va regarder un résumé ou une partie de la rediffusion.

L’émergence d’une championne ou d’un champion jouant le rôle de locomotive pourrait-il faire évoluer les choses ?

Peut-être qu’il y aurait du chauvinisme. Jusqu’à présent hélas nous ne l’avons jamais eu. Nous ne sommes pas passés loin avec Jean Van de Velde en 1999 au British Open mais le sort en a décidé autrement. Nous n’avons pas encore cette locomotive même si nous avons pensé l’avoir il y a peu de temps avec Victor Dubuisson. Ce qui est d’ailleurs paradoxal, c’est que nous sommes l’un des pays ayant le plus de joueuses et joueurs présents dans l’élite européenne mais aucun n’est parvenu à endosser ce rôle. Peut-être serait-ce le début d’un cycle nouveau pour le golf en France. Pour l’instant, personne ne peut le dire.

VDV Partners organise cette année le Legends Open de France hosted by Jean Van de Velde. Pouvez-vous nous présenter cet événement ?

Ce que je peux d’ores et déjà dire, en rapport avec le contexte sanitaire, c’est que l’événement aura lieu. Mais compte tenu de la situation en Grande-Bretagne, il existe une inconnue sur la venue des joueurs britanniques sur le territoire français. Si par exemple ils doivent se mettre en quarantaine en Angleterre à leur retour cela va certainement en freiner certains. Pour le moment, nous faisons comme si tout allait bien se passer. L’un des points clés de l’événement réside dans sa formule, inédite en France : l’Alliance. Il y aura un champ de 60 joueurs professionnels qui joueront trois tours (sans cut). Chaque départ sera composé de deux pros et d’un amateur qui aura acheté sa place. Ce dernier va vivre les trois tours comme un pro, en prenant le départ devant les caméras, son score déterminera ses heures de départ les jours suivants, le meilleur amateur des deux premiers jours jouera donc dans la dernière partie le dimanche et tous auront accès au Players Lounge… La seule différence, c’est qu’il n’y aura bien entendu pas de classement commun entre professionnels et amateurs.

Quel est le prix du ticket d’entrée pour participer à l’Alliance ?

Il est de 7000 euros. Aujourd’hui (au 15.08.2021), sur les 30 places disponibles, une vingtaine a déjà été commercialisée et, cela rejoint ce que nous évoquions précédemment et est très révélateur, il ne s’agit principalement de joueurs étrangers. Nous avons pourtant mis en place une véritable stratégie de communication pour attirer des joueurs français, force est de constater qu’aujourd’hui, nous n’avons pas eu un grand succès.

Combien de temps le Legends Open de France est-il voué à rester dans le calendrier du Legends Tour européen ?

Aussi longtemps que nous trouverons de l’argent pour l’organiser. Cette année, nous offrirons une dotation de 200 000 euros, qui est la dotation minimum. L’idée est bien entendu d’augmenter ce montant dans les années à venir et de le hisser à la hauteur d’un événement tel que peut l’être un Open de France. Nous avons signé trois ans avec le Tour. Et si nous réussissons à l’organiser cette année, il faut tirer un grand coup de chapeau à la ffgolf, à Pascal Grizot et à Christophe Muniesa, qui va contribuer considérablement dans le prize money, pour organiser cet événement, qu’ils « doivent » à l’European Tour dans le cadre du contrat Ryder Cup. Il s’agit donc d’une véritable coopération entre le Tour, la ffgolf,  VDV Partners et le Golf de Saint-Cloud. Le Tour a des exigences et nous tentons de donner satisfaction à ces demandes.

Pourquoi se déroule-t-il au Golf de Saint-Cloud et non au Golf National ?

Lorsque nous avons commencé à discuter avec le Tour, nous avons posé trois conditions pour accepter l’organisation de l’événement : Avoir la possibilité d’utiliser le titre Open de France car cela nous permettait de donner un statut à l’événement. Avoir une collaboration avec la ffgolf qui nous assurait des conditions financières autorisant l’événement. Sachant qu’en plus le tournoi porte le nom Open de France, il était logique que la ffgolf y soit associée. Enfin, utiliser un parcours qui, historiquement, en termes de statut, soit à la hauteur de l’événement. C’est le cas du golf de Saint-Cloud qui est un grand parcours historique qui a déjà reçu de nombreux Opens de France. Il est également très proche de Paris ce qui est un immense avantage.

N’est-ce pas paradoxal dans l’optique de démocratiser le golf, d’en faire parler auprès du plus grand nombre, de ne pas utiliser le golf fédéral, traditionnel théâtre des grands rendez-vous de golf en France ? 

Le parcours de Saint-Cloud est particulièrement adapté au jeu des Légendes. Il faut que le champ de joueurs prenne du plaisir, c’est capital. Par ailleurs, aujourd’hui, même si nous avons l’aide de la ffgolf, nous sommes les promoteurs, et si elle nous avait demandé d’aller au Golf National nous l’aurions étudié sans problème, mais cela n’a pas été le cas. Par ailleurs, je répète que la proximité du site, son prestige, son cadre, sa structure d’accueil, sont de nombreux avantages non négligeables.

A quoi le public doit-il s’attendre lors de cet événement ?

Ils doivent s’attendre à beaucoup de spectacle et d’émotions. En effet, les gens qui ont aujourd’hui entre 30 et 60 ans, vont pouvoir suivre les joueurs avec qui ils ont grandi. Les Olazabal, McGinley, Woosnam, Lawrie, Rocca, Van de Velde, Levet ?… sont autant de noms qui résonnent aux oreilles de ces générations.