S’il est quasiment inconnu du grand public, Moe Norman reste pour de nombreux spécialistes comme l’un des plus fabuleux joueurs de l’Histoire. Moe avait créé son propre swing d’une efficacité incroyable. Mais l’histoire de Moe Norman est aussi celle d’un homme « différent » qui ne trouvait son équilibre psychique que dans le golf. Récit d’un joueur et d’un destin hors-norme…
Le meilleur swing de l’histoire du golf appartient à Moe Norman. Ce dernier n’étant pas passé à la postérité, l’affirmation peut surprendre, mais c’est pourtant l’avis de nombreux spécialistes et de joueurs pros en activité. Moe Norman est une véritable légende au talent incomparable et au destin pour le moins singulier.
Né au Canada, il est victime d’un accident de voiture alors qu’il est tout jeune enfant. Le choc entraîne des lésions cérébrales irréversibles et Moe devient autiste. D’une timidité maladive, il est en proie à des peurs incontrôlables qui l’isolent du monde. Le seul moment où il trouve l’apaisement et une véritable sérénité, c’est un club à la main quand il frappe des balles au practice. Alors Moe tape, encore et encore. Entre l’âge de 9 et 14 ans, il aurait tapé des milliers (peut-être des millions) de balles : un exercice qui lui apporte un (fragile) équilibre mental et une fantastique aptitude au golf. Inadapté dans la vie quotidienne, Moe se révèle être un formidable golfeur qui domine totalement son sujet. Il crée même son propre swing, baptisé “Single Plane Swing” d’une redoutable efficacité. Même Tiger Woods lui a rendu hommage : « seuls deux joueurs ont possédé leur propre swing, Moe Norman et Ben Hogan « Je veux être le troisième ». Le geste de Moe est très particulier, presque bizarre, mais il parvient à le reproduire à l’identique à chaque fois et obtient ainsi une régularité jamais atteinte par quiconque: lors d’un clinic, Moe Norman tapa quelques 1500 balles en sept heures et elles atterrirent toutes à moins de dix mètres les unes des autres ! Une efficacité qui lui a valu le surnom de “Pipeline Moe” et aussi de côtoyer le haut niveau. En 1955 il gagne le championnat amateur du Canada à Calgary. On le cherche partout pendant la remise des prix mais Moe, effrayé à l’idée d’affronter le regard du public ou pire de devoir parler, est caché dans les buissons. Ce handicap ne l’empêche pas d’enchaîner les exploits et les records : 17 trous en un, trois scores de 59 ; quatre cartes à 61 et plus d’une trentaine de records de parcours. Excusez du peu… Il intègre même le circuit PGA américain mais celui-ci rejette ce joueur “différent”. En plus de ses difficultés à instaurer des contacts sociaux, les singularités de Moe déplaisent aux autorités de la PGA : Moe porte son sac lui même et se livre pendant la partie à des “fantaisies” qui heurtent les tenants de l’orthodoxie du jeu comme de se servir d’une bouteille de soda comme tee. A plusieurs reprises, Moe Norman prend même le départ avec un wedge avant de jouer son driver sur le fairway. Ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas de réussir à chaque fois le par voire mieux… L’expérience américaine tourne donc court et il rentre au Canada.
Moe aura du mal à s’en remettre et il gagne difficilement sa vie grâce à des exhibitions. Pendant des années, il survivra même en habitant dans sa voiture alors que dans le même temps il devient l’objet d’un véritable culte auprès des joueurs professionnels. Il est pauvre et ses plus grands fans sont riches. Heureusement, la firme Titleist viendra à son secours en lui versant la somme de 5000 dollars par mois (pour “tout ce qu’il a apporté au golf”) jusqu’à sa mort en 2004.
Moe Norman restera comme l’une des figures les plus singulières de l’histoire du golf, au destin à la fois atypique, tragique et magnifique. Il est d’ailleurs assez savoureux de constater que cet homme “différent et simple” avait compris l’essence même du swing. Une maîtrise que malgré leurs efforts des joueurs brillants intellectuellement ou socialement ne font qu’effleurer. Une leçon de vie et d’humilité que l’on devrait découvrir bientôt sur grand écran : Barry Morow (qui a reçu un oscar pour le scénario de “Rain Man”) prépare un film sur la vie de Moe qui devrait s’intituler “Dance the Green”.
Un hommage posthume plus que mérité !