Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaîtraient pas ?
J’ai débuté le golf à l’âge de sept ans à l’école de golf du club de La Valdaine (Drôme) car mon oncle (Jeff Lucquin, ndlr) jouait pour l’Académie là-bas. J’ai tout arrêté pendant plusieurs années avant de reprendre à l’âge de 15 ans. Mais vraiment pour m’amuser.
Si je comprends bien, la priorité était donné aux études ?
Oui, mes parents avaient clairement privilégié les études. C’était le deal entre nous. J’ai donc passé mon bac et j’ai fait deux BTS en alternance. Pendant deux années, je n’ai fait que travailler. En fait j’essayais de m’entraîner le week-end mais je ne faisais pas de grand prix ou de grandes compétitions.
Tout s’est fait tardivement mais à une vitesse incroyable…
Exactement. J’ai fait mon premier Grand Prix il n’y a pas si longtemps finalement, c’était en juin 2012. J’ai passé les cartes européennes en décembre 2014 et maintenant je suis membre du Ladies European Tour.
Tu n’auras donc vécu que deux années au haut niveau amateur ?
C’est vrai mais ces deux années m’ont tout même permis d’apprendre pas mal de choses et tout s’est très bien passé. La deuxième année encore un peu mieux . J’ai tenté les cartes, juste pour voir où je me situais et c’est passé !
A quel moment as-tu pensé à faire du golf ton métier ?
J’y pensais déjà un peu avant le bac. En voyant la vie que menait Jeff, le plaisir qu’il prenait ça me faisait envie. Après, c’est vers 20 ans, au milieu de mon BTS que je me suis vraiment orienté dans cette voie.
Comment s’est déroulé le passage du monde amateur au monde professionnel ?
Ce n’est jamais facile mais pour moi peut-être encore davantage. Même les filles beaucoup plus jeunes ont plus d’expérience que moi car elles ont longtemps joué au très haut niveau amateur ce qui n’est pas mon cas. Après, j’apprends tous les jours, sur chaque parcours, dans chaque partie.
Concrètement, quelles sont les différences que tu peux observer avec ces filles plus expérimentés ?
Je pense que nous savons toutes taper dans une balle. Selon moi, c’est plus au niveau du mental car elles ont eu l’habitude d’être sous pression, elles ont plus de bagage et elles savent quoi faire quand il y a un peu plus de stress ou d’adrénaline qui monte. C’est également parfois le cas sur la stratégie de jeu lorsqu’il m’arrive de ne pas faire le bon choix. Ce sont des choses que je découvre encore.
Le métier rentre.
Aujourd’hui quel est ton feeling par rapport à ton statut de pro ?
Disons que cette année, je l’assume totalement. L’an dernier, je ne me sentais pas à ma place. J’avais un petit complexe par rapport aux autres joueuses. Je pensais que je n’avais pas le niveau pour être là. Je me faisais toute petite sur le putting green.
Tu te sens de plus en plus proche des meilleurs ?
J’ai encore beaucoup de travail. J’ai pris quelques claques en début de saison mais il ne faut pas tirer de conclusions trop vite, surtout dans ce sport. Il faut que je sois patiente. Les choses se mettent en place progressivement. Même si les résultats ne sont pas encore au rendez-vous je sens que je m’en approche un peu plus tous les jours. Le métier rentre.
Quel rôle joue ton oncle dans ta carrière ?
Je travaille depuis janvier avec lui. Il me conseille beaucoup aussi bien techniquement que mentalement. Nous avons dû nous organiser pour ne pas tout mélanger, la famille et le boulot.
Quels sont les points forts et les points faibles de ton jeu ?
J’ai une longueur de balle au dessus de la moyenne des autres filles ce qui me permet de jouer des plus petites cannes au deuxième coup. Je commence à avoir un bon putting. Ma priorité en ce moment c’est le chipping, il faut absolument que je me mette plus près des drapeaux. Avec un wedge dans les mains, c’est interdit de se mettre à plus de trois mètres du trou. Idem pour les sorties de bunker. En règle général je dois m’améliorer autour des greens. Les garçons ne font pas autant d’erreurs dans ce domaine.
Tu soulèves le problème mais il est vrai que l’on peut observer une vraie différence. Pour quelles raisons selon toi ?
Je pense que c’est beaucoup dans l’approche du coup, dans la façon de le visualiser. C’est franc, sans peur, ils y vont. C’est la même chose au putting, ils en mettent beaucoup plus que nous, ils dépassent les trous. Tout cela joue sur la confiance et l’ensemble du jeu. Par exemple, quand on sait faire une sortie de bunker et qu’on est à l’aise dans cette situation, on a moins peur de rater le coup précédent, celui de l’approche au drapeau qui est collé au bunker. C’est un ensemble, un cercle vertueux.
Qui sont tes idoles dans le golf ?
J’aime beaucoup Henrik Stenson. Pourtant, il est assez fermé sur le parcours, mais il dégage une vraie confiance et son jeu est fabuleux. J’aime beaucoup Jason Day également, lui aussi pour sa manière d’être sur le parcours, sa force, son abnégation. Chez les filles, j’admire Gwladys Nocera pour son incroyable parcours et sa longévité au plus haut niveau.
Es-tu passionnée par le jeu, est-ce que tu consommes du golf à la télévision par exemple ?
Tout le temps ! Je rentre à la maison j’allume Golf +. Je suis également souvent avec Adrien Saddier (son compagnon dans la vie, ndlr) et nous jouons et parlons golf tout le temps. Et d’ailleurs je dois dire que j’apprends beaucoup avec lui. Bon je prends des tôles mais ce n’est pas grave.
Tu mesures la différence qu’il existe entre vous ?
Oui, nous faisons des pétanques (jeu au chipping, ndlr) et je prends clairement à chaque fois une leçon de chipping. J’ai l’impression d’être débutante et qu’il m’apprend de nouveau comment faire. C’est la même chose quand nous jouons en match play, il a beau me rendre des points, je me fais battre sèchement. Mais c’est en général le cas avec tous les garçons. Juste en les regardant s’entraîner sur le putting green, j’apprends des choses…
Que penses-tu de la polémique sur les nombreux joueurs qui ont préféré ne pas participer aux Jeux Olympiques ?
Je pense que le problème invoqué était ridicule. Je ne sais pas trop quelles sont les véritables motivations de ces décisions. Peut-être estiment-ils que les Jeux Olympiques ne représentent pas assez pour le golf, que financièrement ce n’est pas assez intéressant pour eux, j’ai du mal à comprendre. Moi, personnellement j’y serais allé les yeux fermés, c’est une fierté de jouer pour son pays.
Que peut-on te souhaiter pour la fin de saison ?
D’obtenir ma carte pour le Ladies European Tour. Et d’essayer de remporter un tournoi sur le LET Access Series (LETAS).
Un mot sur ton équipementier Mizuno, avec qui tu es venue travailler aujourd’hui au Golf National. Qu’attends-tu de tes clubs ?
Déjà, c’était la première fois que je faisais un vraie fitting. Je joue désormais avec des clubs qui sont faits pour moi. C’est déjà une première. Sinon, je ne suis pas fan des lames, je recherche plutôt quelque chose d’intermédiaire. Je veux pouvoir travailler la balle et les trajectoires. Grâce à ce fitting, j’ai également un shaft qui me convient parfaitement. Je suis à la limite entre du stiff et du regular ce qui ne me fatigue pas trop en fin de journée et me permet de faire de la distance.
Quel est ton club favori ?
C’est le bois 3. Actuellement je ne trape pas le driver, uniquement le bois 3. Je sais que la balle va finir sur la piste. Je me sens confiante avec ce club entre les mains. C’est d’ailleurs le cas depuis toute petite.
Le club que tu n’aimes pas sortir du sac ?
Le driver donc. En ce moment je fais un blocage dessus. C’est psychologique. Mais je peux en mettre n’importe où. C’est un gros problème.
Propos recueillis par Antoine Lascault