Bruno Gaccio : J’ai testé l’aqua golf

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Pour fairways, Bruno Gaccio porte un regard passionné et décalé sur la petite balle blanche… (Article issu du n°76).

Après plusieurs semaines sans jouer pour cause de confinement puis de temps pourri, le golfeur sans jardin ou sans garage qui ne peut donc pas swinguer sans baballe – que nous appellerons ici le golfeur des centres villes – se trouve fort excité quand une infime parcelle de ciel azur se présente entre les nuages noirs. Il fait froid mais il ne pleut plus, c’est pratiquement l’été, c’est la Costa del Sol, c’est l’Algarve, c’est Dubaï…. Le golfeur des centres villes prépare son sac, appelle un ami et le voilà, cœur léger, sourire aux lèvres et chaussures cirées en route vers son parcours favori. Le parking est désert. Chouette, on pourra prendre le temps de lire les pentes sur les greens avec le putter en pendule, comme les vrais excepté que nous, on ne sait pas à quoi ça sert. Le club house est fermé bien sûr, tout s’est réglé par internet, le golf est le sport le plus sûr en période de pandémie. Nous ne croiserons personne. Pourtant, le directeur est là. Les directeurs saluent toujours les golfeur des centres villes, comme l’autochtone salue le touriste dans la pampa Argentine, avec respect mais en se demandant ce qu’il fait là.

« Je vous préviens, c’est un peu humide par endroit, un peu gras, il a pas mal plu cette nuit, pas de chariots du coup ».

Nous nous rendons sur le tee du 1, c’est effectivement gras. Disons boueux. Un peu comme si un Caterpillar avait passé la nuit à terrasser l’endroit, mais n’avait pas fini le boulot. Mais on s’en moque. Des semaines sans jouer, un coin de ciel bleu, 2 degrés Celsius : c’est parti. Déjà on ne se place pas entre les boules de départ, nous cherchons un coin jouable, ce sera quelques mètres devant. Dogleg gauche, driver en main, bim ! Pas mal, ça part droit, plein Fairway pour les deux joueurs, pratiquement 180m (chez l’amateur on parle de 240/250m de ressenti, en vrai : 170). C’est l’hiver ça ne porte pas, c’est pour ça.

Là, commence l’aventure. Après une cinquantaine de mètres de marche vers nos balles le sol ondoie comme un océan de gélatine épaisse, l’impression d’avancer dans l’estomac d’un monstre marin de Jules Vernes qui nous aurait avalé, un peu bêtas, nous zigzaguons, comme si ça devait changer quelque chose, par moment un petit saut de cabri, pour rien, si ce n’est pour remplir nos chaussures de froid et de bouillasse. Nous avançons vers nos balles. Mais il n’y a pas de balles. Pourtant elles devraient être là : plein fairway. C’est alors que l’évidence, comme une révélation divine nous tombe du ciel : on est pluggé quelque part, mais où ? Une balle qui tombe de 40 mètres de haut sur un sol mou s’enfonce de combien ? 30, 40cms ? Plus ? Que faire ? retourner taper au départ comme la règle nous y oblige où faire appel à cette légende urbaine qu’est la « règle de l’évidence ». La balle est là ! c’est sûr ou quasiment certain. (Règle 26-1 qui s’applique quand on est sur ou quasiment certain que la balle est entrée dans un obstacle d’eau alors que personne ne peut le confirmer avec certitude). Là, le parcours entier semble être un obstacle d’eau. L’autre règle c’est la 25-1 qui concerne les balles non retrouvées dans un terrain en condition anormale. On va dire ça. Conditions anormales. Donc on décide de dropper, du même endroit tous les deux, histoire de pas se compliquer, pourtant, je lui avais mis 10 mètres. (L’amateur, en ressenti, dira 30m). Donc trouver un endroit « sec ». On en trouvera un à environ 100 mètres, sur la droite, devant la porte du jardin d’un particulier. C’est la première fois que je me droppais à 100 clubs ! Sans me rapprocher du trou. Bois 5 vers le green. Éclaboussures. Je ne suis pas loin du green. On avance dans l’estomac du monstre en scrutant le sol, nous croisons un joueur qui remonte l’autre fairway, harassé, il porte des bottes en caoutchouc, golfeur ou pêcheur de balles mortes, impossible à dire. À 5 mètres du green, nos balles. Elles sont là, presque visibles. Couvertes de boue. « On place et on nettoie » ? Évidement. Feuilles mortes, détritus, pitches non relevés, approche, trois putts. Trou partagé. On passe au 2 ? Obligé. On est là, le golfeur, le vrai ne renonce pas.

Tout le parcours n’était pas aussi difficile heureusement, même plutôt pas mal sur certains trous. D’ailleurs, les rares joueurs que nous croisions, jouaient inlassablement les mêmes trous. Aller, retour et on recommence. Plus malins que nous, assurément. Nous avons fait 18 trous. Nous avons râlé, pesté de ne pas entrer des putts de deux mètres sur un green en taule ondulée, grogné quand une toute petite gratte mouchetait nos pantalons de pluie et maudit ce jeu que la télévision nous présente toujours en été, champions en tee-shirt et divots parfaits à chaque coup ! Nous aussi hein ! Si on jouait sur de la moquette toutes les semaines on scorerait comme des malades ! C’est facile des putts de dix mètres sur un green parfait !

Puis nous avons bu une bière sur le parking, en respectant les distances. En rentrant, crotté et trempé, ma compagne m’a demandé si j’avais passé une bonne journée. Devinez quoi ? J’ai dit oui. Parce que c’était vrai. J’ai même raconté les deux balles perdues en plein fairway au 1 et cette règle de l’évidence qui n’existe pas. Sa réponse ? « S’il y a une règle évidente, c’est que les golfeurs sont des mabouls ». J’ai pris ça pour un compliment.