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Christian Ledan, la voix de Golf+ pour l'histoire !

Dans chaque numéro, Lionel Chamoulaud nous dévoile ses aventures golfiques. Ce mois-ci, il évoque les aventures du golf sur Canal + et surtout celle de sa voix originale, Christian Ledan.

Au cœur des années 80 et début 90, le golf s’installe durablement sur la chaîne cryptée. Les plus grands tournois sont à l’affiche, le duo de commentateurs fidélise et la concurrence de Pathé Sport et d’Eurosport n’est pas dangereuse. Bien entendu, il ne s’agit pas d’un raz-de-marée d’audience mais les accros sont là, d’autant que pour qu’un sport puisse monter en attractivité, deux ingrédients sont indispensables : Soit vous avez un champion national en situation de se battre pour la gagne dans les grands rendez-vous ; la France attend toujours l’oiseau rare. Soit une star planétaire surgit et dépasse le cadre de son sport. Ce sera le cas avec Tiger Woods qui va booster dans le monde entier, surtout aux USA mais également chez nous, les audiences des télévisions. André-Jean Lafaurie, avec son talent et son lyrisme, sublime chaque coup du prodige américain pour l’élever au rang de demi-dieu. Bernard Pascassio, plus proche de son ami première star européenne, le flamboyant et iconique  Severiano Ballesteros, tombe aussi sous le charme de l’homme qui joue en rouge les dimanches et qui enquille les plus grands titres avec un panache hallucinant. Cette bête de tv, à l’image de ce que Michael Jordan a pu faire pour le basketball, devient l’emblème de ce sport y compris auprès des profanes.

Alors que le Tigre commence à révolutionner ce sport, la météo bretonne parfois capricieuse, décoche un clin d’œil au destin. Le temps est donc plutôt mauvais du côté de Vannes et sur le golfe, avec un e, du Morbihan. La virée en bateau entre copains initialement prévue, se transforme en découverte du golf sans e, sur le practice de Baden. Un moment de détente banale qui change le cours d’une vie. Pour la première fois, Christian Ledan tape une balle de golf. La révélation pour celui qui va commenter dans les années à venir des centaines d’heures de ce sport à la télé.

Comme cela arrive parfois, le premier swing enclenche une frappe parfaite et ensuite les ennuis commencent. Christian est de ceux qui gardent en mémoire la sensation de ce moment, celle du geste parfait qui vous emplie de ce plaisir indescriptible. Il veut de nouveau le ressentir. Lui qui est plutôt adepte de sports assez physiques : ski, jet ski…, il se prend au jeu, il fonce. En 2 ans, il est handicap 5. Cette nouvelle passion devient aussi une nouvelle piste professionnelle. Bien qu’étant à l’antenne depuis 10 ans à Europe 1, l’intraitable Jérôme Bellay tout nouveau boss de la station, le convoque pour un échange viril mais pas correct : « Christian, j’ai besoin de ta case et je n’en ai pas d’autre à te proposer ». « En gros je suis viré, se souvient Christian, tout ça pour que Bellay puisse mettre à ma place sa femme Karen Cheryl ». Moche. Moche, mais ce renvoi à la hussarde lui permet d’être libre et disponible pour une proposition lourde de conséquence.

« J’avais connu à Europe 1 un autre Belley, Claude qui, au courant de ma situation, me demande, moi qui avais récemment partagé une partie avec sa femme, si cela m’intéresserait de commenter du golf sur la chaîne de Jérôme Seydoux, Pathé Sport. Je suis assez surpris par cette idée. Je demande à Claude de faire un test avant de prendre une décision. Cet essai, je le fais au côté de Dominique Larrètche. Essai concluant, c’est ainsi que tout a commencé pour moi ! ».

Quelques années plus tard, la donne change.

Les événements s‘enchainent début 2000. Canal rachète Pathé Sport qui devient Sport+. Christian rejoint un groupe où le golf est bien installé et entre dans un pool de commentateurs et de consultants pour faire vivre un maximum de tournois américains et européens éparpillés sur toutes les chaînes du groupe, à toute heure du jour et de la nuit. « Je sentais que les programmations ainsi réparties sur nos réseaux n’étaient pas simples à appréhender pour nos abonnés. J’ai donc proposé de créer une chaîne dédiée au golf à Bertrand Méheut, alors patron du groupe. Il n’a pas été emballé, estimant qu’il y avait là un risque stratégique. J’ai continué à collaborer avec Canal tout en créant ma boite et en conservant un pied à la radio, RTL, puis Radio France. »

Quelques années plus tard, la donne change. Un passionné de sport, notamment de tennis mais pas que, prend les commandes de Canal, Alexandre Bompard. L’actuel président du groupe Carrefour souhaite faire un point avec Christian Ledan. « Je sens assez rapidement qu’Alexandre Bompart a envie de créer un pôle golf fort. Il me demande de structurer une rédaction. Il souhaite me confier la mise en place de ce projet. Je lui réponds que je mène plusieurs activités et que je ne suis pas salarié de son groupe. Il me demande ce que me rapporte mes différentes prestations. En deux secondes il fait l’addition et me propose un contrat à la hauteur de cette somme. J’accepte, Golf+ est née. »

Une chaîne qui s’impose rapidement dans le paysage audiovisuel du sport en faisant le plein d’abonnés qui sont en fait les licenciés et qui semble-t-il, est rentable. L’équipe s’étoffe, les tournois s’enchainent, les heures de commentaires s’accumulent. Christian devient la voix de cette chaîne dédiée à ce sport. Pour les grands tournois une formule de répartition des tâches se met en place avec deux consultants de luxe, Thomas Levet et Jean Van de Velde. « On a su trouver une formule afin que chacun se sente à l’aise et heureux de ce qu’il fait à l’occasion des Grands Chelem. Jean commente depuis la cabine et Thomas suit les parties sur le terrain. D’ailleurs, j’en profite pour remercier Thomas qui m’a beaucoup appris, on a énormément échangé, il m’a présenté du monde, le gratin du golf, un grand consultant. »

Pour le reste, Christian s’agace de la réalisation américaine parfois autocentrée qui ne montre que ses compatriotes, oublie que pendant les pubs US le reste du monde subit d’interminables tableaux de scores sur fond d’abeilles qui butinent, le tout accompagné d’une musique d’ascenseur. De voir apparaitre une bimbo blonde en short devant un écran tactile, ça ne nous émeut pas, de découvrir un présentateur et un consultant qui donnent l’impression de sortir de chez le coiffeur avec leur cravate club des années 80, ça nous barbe, d’être obligé de subir les clips promos des sponsors qui aident les enfants dans le besoin, c’est un peu lourdingue (je vous dois à vous et à Christian la vérité, à partir des abeilles c’est moi tout seul qui donne mon avis et je le partage !). Si l’on ajoute à cela trop de putts montrés, pas assez d’histoires racontées, la réalisation ricaine est bien loin du brio de celle des britishs. Il sent venir, un peu sceptique, le flot de statistiques qui transforment certains commentateurs en data journaliste qui nous inondent de chiffres plutôt que de raconter ce que l’on voit à l’image. Il regrette de ne pas être plus souvent sur le site des compétitions mises à l’antenne. Le golf, un peu comme le tennis impose de longues heures de commentaires assis dans la cabine devant les écrans sur place ou pas. Au propre, Christian en a plein le dos.

« Lorsque vous passez 5 à 6 heures quotidiennement pendant 4 jours, multiplié par 40 tournois par an, pendant 20 ans, faites le calcul. Mon dos a cédé. Le médecin du travail est intervenu pour me débloquer, je souffrais le martyr, je rampais pour me déplacer, même en investissant dans un fauteuil adapté, ça devenait intenable. Je n’ai pas pu échapper à l’opération. C’est mon seul point commun avec Tiger Woods. »

Il y a quelques mois, Christian quitte l’antenne. Il avait besoin de souffler, de retrouver une vie de famille plus sereine, de penser à son dos pour avoir une chance de pouvoir jouer de nouveau au golf. « Je suis parti tranquillement en ayant bien réfléchi, je n’ai aucun regret tellement je me suis régalé pendant toutes ces années. Je regarde toujours le golf à la télé mais en mode touriste. Je suis devenu un abonné. »