Entretien avec Gil Hanse, l’une des stars de la nouvelle génération d’architectes, et créateur du New Course au Golf des Bordes.
Quand et comment ce projet de bâtir le New Course a-t-il été initié ?
La première fois que je me suis rendu aux Bordes, c’était en juin 2018. Le propriétaire, Driss Benkirane, et moi avions des amis communs. Au fil de la conversation, M. Benkirane a m’a indiqué qu’il souhaitait bâtir un nouveau parcours et qu’il espérait travailler avec nous sur ce projet. Le fait que nous ayons des amis communs a bien entendu facilité cette conversation, et une fois que je suis venu voir la propriété, j’ai immédiatement été convaincu par potentiel du terrain.
Qu’est-ce qui vous a attiré sur ce projet et sur ce site ?
Le sable et la végétation, et la réputation du lieu. Évidemment, nous avons entendu parler des Bordes, donc de la qualité du site lui-même, sans oublier l’ambition et l’engagement du propriétaire, ce qui est très important. Quand nous considérons les critères d’un projet, Jim Wagner – chef designer de Hanse Golf Course Design – et moi nous demandons toujours : « Avons-nous le potentiel pour créer quelque chose d’exceptionnel ? ». Et je pense que, alors que la topographie (assez plate) aux Bordes n’est pas la plus exceptionnelle que nous ayons rencontrée, le site possédait encore assez de caractère grâce la végétation exceptionnelle et la qualité du sol nous ont convaincu. Ensuite, nous nous posons la question suivante : « Allons-nous prendre du plaisir à le faire et à travailler avec le propriétaire des lieux ? ». C’était le cas. Nous n’avons jamais rien construit en Europe continentale et nous voulions nous assurer que notre premier projet dans cette région du monde allait être quelque chose de spécial, et clairement, Les Bordes nous ont offert cette opportunité.
Qu’est-ce qui rend le paysage des Bordes si spécial ? Et qu’est-ce qui rend ce domaine de golf unique ?
La diversité des végétaux est vraiment quelque chose que nous n’avons jamais rencontré, avec les genêts et les fougères, la variété d’essences d’arbres dans toute la propriété et les graminées de fétuque. La bruyère a également été introduite, formant un ensemble avec ces superbes textures parmi lesquelles le parcours semble se fondre. Cet aspect naturel, cette harmonie rendent le lieu unique. Il y a tellement de facettes différentes sur les parcours de landes, que vous pouvez retrouver au nord de Paris à Morfontaine ou Chantilly, mais aussi Pine Valley, plus près de chez moi aux Etats-Unis (New Jersey). Je pense qu’il y a ici un riche ensemble de différents éléments qui vont créer une atmosphère et donc une expérience unique aux Bordes.
Que pouvons-nous attendre de ce nouveau parcours ? Un style Tom Simpson qui vous inspire souvent et que vous évoquez avec les parcours de Morfontaine et Chantilly ?
Vous pouvez vous attendre à du golf amusant dans un cadre naturel et parfait. Le site nous a permis de construire des trous de golf intéressants ; stylistiquement, c’était amusant pour nous tous de nous concentrer sur Tom Simpson et certaines de ses plus belles créations. Non pas que nous l’ayons copié stylistiquement ou en termes de design, mais nous avons certainement été influencés par son travail et c’était un régal pour nous.
Quels éléments de son travail étaient les plus pertinents à utiliser ici et comment les avez-vous mélangés avec vos propres concepts ?
Son travail a Morfontaine ou Chantilly nous a en effet inspirés. Notamment sur l’ampleur de son travail sur les bunkers. De notre point de vue, il s’agit juste de la façon dont ils se fondent dans le paysage qui est incroyable. Certains des complexes de greens qu’il a construits sont assez excentriques et nous avons pensé que nous pouvions en créer quelques-uns sur un tel parcours. Mais il a également bâti des greens qui étaient simples dans leur présentation mais complexes dans leur subtilité. Ces caractéristiques ont alimenté notre travail aux Bordes. Je peux dire qu’à l’avenir, si le paysage d’un site convient bien, nous allons certainement faire encore plus de choses dans le style de Tom Simpson.
Comment est-ce possible de construire deux parcours de golf complètement différents dans un même environnement ?
Je pense que les deux parcours répondent à une philosophie différente quant à la façon dont Robert von Hagge a bâti le Old Course et celle avec laquelle nous avons abordé le New Course. De ce point de vue, un temps considérable s’est écoulé entre la création des deux parcours, et je pense que cela s’est prêté, stylistiquement, à des parcours différents qui apparaissent différemment. L’un semble plus manufacturé (New Course) et l’autre plus naturel (Old Coure). Ni l’un ni l’autre n’a raison ou tort, ils sont juste différents. Je pense que c’est ce qui va faire des Bordes l’une des destinations les plus merveilleuses au monde, car vous avez deux tracés distinctement différents de deux époques différentes, mais à la qualité des deux est équivalente dans la façon dont ils ont été créés.
Dans quelle mesure cela a-t-il été difficile pour vous de créer un nouveau parcours à proximité de celui (Old Course) considéré comme l’un des meilleurs d’Europe continentale ?
Je ne pense pas que nous ayons pris cela comme un défi ou un « challenge » difficile. Nous l’avons au contraire trouvé inspirant. Il est toujours agréable quand on arrive sur un projet de savoir que le niveau de qualité existant est déjà très élevé. C’était le cas aux Bordes, du parcours mais aussi de l’ensemble des installations. Nous étions donc très enthousiastes et fait appel notre créativité pour faire l mieux possible. J’espère que lorsque tout sera définitivement terminé et mature, Les Bordes possèdera deux terrains de jeu très appréciés, mais je mentirais si je n’espérais pas que le New Course soit un peu plus apprécié.
Pensez-vous que vous avez atteint votre objectif et pourquoi ?
Je le pense. Il me semble que chaque architecte de golf, lorsqu’on lui propose un site, espère que le mieux qu’il puisse faire est d’optimiser ses caractéristiques propres, et je pense que c’est ce que nous avons fait avec le New Course. Nous avons proposé une grande variété de trous sur les deux neuf trous. Nous avons utilisé le meilleur de la topographie ; Nous avons d’ailleurs travaillé pour améliorer certaines de ces zones en augmentant leur élévation ; et nous avons imaginé créer un test de golf très pertinent et amusant à jouer. Je suis convaincu qu’avec tout le travail que nous avons effectué, nous avons maximisé le potentiel de la propriété et, en tant qu’architecte de golf c’est tout ce que vous pouvez espérer.
Quelles sont les qualités d’un bon parcours de golf ?
Je pense qu’un bon terrain de golf doit avoir un sens par rapport à l’endroit où il se trouve, un sentiment d’harmonie avec son site. Il ne faut surtout pas qu’il donne l’impression d’avoir été importé d’ailleurs. I doit se fondre harmonieusement dans son paysage. Un bon tracé est celui qui propose de la variété dans la façon de le jouer, que les caractéristiques du paysage ont été mises en valeur et utilisées pour la pertinence du jeu. Enfin, et c’est capital, il doit être amusant. C’est un équilibre entre le plaisir et l’intérêt par rapport à la difficulté, et nous voulons promettre aux golfeurs des moyens de jouer en fonction de leur propre niveau de compétence ; et si un terrain de golf vous donne cette opportunité de réfléchir à votre stratégie, à vos trajectoires, à vos angles, alors le travail de l’architecte est réussi.
Quelle(s) arme(s) un architecte de parcours possède encore – à part la longueur totale – pour rendre un parcours de golf vraiment difficile pour les professionnels ?
La meilleure défense demeure la fermeté du sol, avec des fairways et des greens sur lesquels la balle rebondira. Les golfeurs professionnels travaillent si dur à leur jeu et perfectionnent si bien leur art afin qu’ils aient un résultat prévisible chaque fois qu’ils frappent une balle de golf. Mais je pense que du point de vue de l’architecte, les seuls autres défis que nous pouvons proposer sont des défis mentaux où les golfeurs se sentent peut-être un peu mal à l’aise à l’idée de jouer tel ou tel coup. Il faut également faire des parcours de façon à ce qu’ils aient des difficultés pour déterminer la meilleure façon de jouer le trou. Ce sont les types de parcours qui nécessitent d’êtres joués, analysés, expérimentés pour en connaître les subtilités. Ce sont selon moi les meilleurs exemples d’architecture de golf.